Souvenirs de jours futurs

Souvenirs de jours futurs

La missive est arrivée un matin ordinaire. Il ne fut pas surpris par sa présence dans sa boite aux lettres élimée, rectangle blanc surnageant au-dessus des prospectus vantant les mérites de produits qu’il n’achetait jamais. Qu’il ne pouvait plus acheter. Il l’attendait, bien sûr, sans angoisse particulière. Bien qu’il ne posséda plus depuis longtemps de télévision, ni de radio, les rumeurs sur la loi nouvelle lui était parvenue, en échos assourdis. Il n’était plus à la vérité suffisamment encore de ce monde pour s’en alarmer.
Il avait pris son temps pour descendre les escaliers qui menaient de son pauvre studio au hall d’entrée. Il ne prenait plus les ascenseurs. Il y avait bien longtemps que personne n’était venu les réparer. De toutes façons, il n’était pas pressé. Il n’avait ce jour là aucune occupation particulière. Comme tous les autres jours. Il s’était levé tôt ce matin pareil à chaque matin de chaque semaine, comme un hommage sans doute à un monde d’habitudes, un salut hebdomadaire au souvenir des temps lointains où il existait encore socialement. Se lever tôt présentait également des avantages pratiques: la station debout offre plus d’opportunités pour tuer le temps que le lit dur et austère qui accompagne ses nuits, quitter la chambre permet enfin d’échapper au bruit de ses voisins, dont il imagine sans peine la marmaille, dépenaillée et chahuteuse, qui tourne autour de la vieille table en formica, comme un troupeau d’hyènes affamées auprès d’une carcasse décatie, et dont les cris pointus vrillent en pointes acérées les tempes blanchies de leur mère et lui voûtent chaque jour davantage les épaules avachies. Va-t-on l’emmener elle aussi ? Il ne saurait le dire.
Il s’était levé tôt, mais pour mieux tourner en rond. C’est un art subtil de prendre son temps, pour le laisser filer avec élégance. Il faut arroser délicatement les quelques plantes qui survivent au froid devenu éternel, à la lumière chiche des jours embrumés. Ranger un peu les quelques mètres carrés de son univers, mais aussi créer un savant désordre pour mieux s’en occuper le lendemain, recompter avec soin ses coupons d’alimentation, penser au meilleur moment pour les échanger contre de la nourriture facile à transporter, afin d’éviter les maraudeurs, que personne ne contrôle.
Et descendre enfin les escaliers lentement, à pas choisis, pour cueillir au bon moment un hypothétique courrier, choisir son heure pour éviter les jeunes de la cité qui, ne sortant plus guère, passent le temps dans les halls et les sous-sols des immeubles.
Il y a une semaine déjà que les coupons d’alimentation ne lui étaient pas parvenus. Heureusement que vivant chichement, il en avait économisé une demi-douzaine dans une vieille boite en fer. Au cas où. Vendredi dernier au centre d’alimentation, au guichet n° 16, la jeune réceptionniste avait pris un air gêné en constatant qu’aucun carnet n’était à la disposition de l’individu n° 7654. Elle lui sourit aimablement, débitant un flot de paroles convenues sur les difficultés d’acheminement du courrier, une erreur de l’administration sans doute, il n’y a pas à s’inquiéter. Mais ses yeux tenait un tout autre discours.
Il était rentré chez lui, ce vendredi là et avait attendu. Alors lorsqu’il prit entre ses mains, le lundi suivant, la longue enveloppe blanche frappée du sceau du ministère de l’équilibre social, il ne ressentit aucune crainte. Il savait, sans l’ouvrir, ce qu’elle contenait. Le jeune qui l’observait de l’autre côté du hall et qui avait reconnu l’expéditeur du message le savait également. Il calculait déjà sans doute s’il avait une chance de récupérer son appartement, il était jeune lui.
Ils seront là dans la matinée. Il revint à pas lent, jusqu'à son appartement. Non pas que le poids de la nouvelle l’accable vraiment, mais c’est que l’habitude est difficile à rompre même lorsqu’elle ne sert plus à rien. La lettre lui donnait l’ordre de ne rien emporter. Cette injonction lui arracha un maigre sourire. Qu’avait à donner ce monde qui mériterait d’être conservé ? Il ne possédait vraiment que ses souvenirs, des lettres reçues il y a bien longtemps et des photos jaunies dans une vieille boite en fer. Les souvenirs sont une machine à remonter le temps, une mécanique infernale qui brûle les bonheurs perdus à l’alcool amer des jours nouveaux, et ne laisse finalement remonter à la surface putride du jour que les douleurs anciennes que rien désormais ne peut plus guérir.
Non, il n’a vraiment rien à emporter.

Jtrouve qu'y'a de petites imperfections comparé aux autres textes que tu nous as fait partager:quelques fautes d'orthographe et de tournure,mais c'est juste pasque tu m'a déjà habituée à la perfection;trés beau texte quand même ;) :bravo:

Erinn a écrit:

Jtrouve qu'y'a de petites imperfections comparé aux autres textes que tu nous as fait partager:quelques fautes d'orthographe et de tournure,mais c'est juste pasque tu m'a déjà habituée à la perfection;trés beau texte quand même ;) :bravo:

Quelles sont donc ces faute grammaticales que tu releves dans ce texte ?

Je sais plus exactement;j'ai trouvé que les tournures n'étaient pas tjrs claires et fluides;à un moment aussi y'a "chiche" et "chichement" dans 2 phrases qui se suivent,quelques petits trucs comme ça.

C'est sympa mais j'ai le même avis qu'erinn en fait.
J'ai cette phrase qui me chiffonnent moi : "Il n’était plus à la vérité suffisamment encore de ce monde pour s’en alarmer. " Je trouve ça pas tres joli et un peu lourd, peut etre le "a la vérité"...

Enfin mon avis est ce qu'il est hein.

Mais c'est sympa.

Mickey a écrit:

C'est sympa mais j'ai le même avis qu'erinn en fait.
J'ai cette phrase qui me chiffonnent moi : "Il n’était plus à la vérité suffisamment encore de ce monde pour s’en alarmer. " Je trouve ça pas tres joli et un peu lourd, peut etre le "a la vérité"...

Enfin mon avis est ce qu'il est hein.

Mais c'est sympa.

Vos avis sont interessants. Cette petite nouvelle de bons echos mais elle présente des défaults (écrite trop vite 30 Minutes chrono). je vous propose une version retravaillée

PS Il y a bug sur ce site, il me fait sauter un mot (conjugaison de surprendre) de la première phrase et je ne peux rien faire !!!!
Souvenirs de jours futurs

La missive est arrivée un matin ordinaire. Il ne fut pas surpris par la présence dans sa boite aux lettres décrépie de ce rectangle blanc surnageant au-dessus des prospectus vantant les mérites de produits qu’il n’achetait jamais. Qu’il ne pouvait plus acheter. Il l’attendait, bien sûr, sans angoisse particulière. Bien qu’il ne posséda plus depuis longtemps de télévision, ni de radio, les rumeurs sur la loi nouvelle lui était parvenue, en échos assourdis. Mais il n’appartenait plus suffisamment à ce monde pour s’en alarmer.
Il avait pris son temps pour descendre les escaliers qui menaient de son pauvre studio au hall d’entrée. Il ne prenait plus les ascenseurs. Il y avait bien longtemps que personne n’était venu les réparer. De toutes façons, il n’était pas pressé. Il n’avait ce jour là aucune occupation particulière. Comme hier. Comme tous les autres jours.
Il s’était levé tôt ce matin pareil à chaque matin de chaque semaine, en hommage sans doute à un monde d’habitudes, aux temps lointains où il existait encore socialement. Se lever tôt présentait également des avantages pratiques: la station debout offre plus d’opportunités pour tuer le temps que le lit dur et austère qui accompagne ses nuits, et quitter la chambre lui permet d’échapper un peu au bruit de ses voisins. Il imagine sans peine, de l’autre côté du mur, la marmaille dépenaillée et chahuteuse, qui tourne autour de la vieille table en formica, comme un troupeau d’hyènes affamées auprès d’une carcasse décatie. Leurs cris pointus vrillent en pointes acérées les tempes blanchies de leur mère et lui voûtent chaque jour davantage les épaules avachies. Va-t-on l’emmener elle aussi ? Il ne saurait le dire.
Il s’était levé tôt, mais pour mieux tourner en rond. C’est un art subtil de prendre son temps, pour le laisser filer avec élégance. Il faut arroser délicatement les quelques plantes qui survivent au froid devenu éternel, à la lumière sale des jours embrumés. Ranger un peu les quelques mètres carrés de son univers, mais aussi créer un savant désordre pour mieux s’en occuper le lendemain, recompter avec soin ses coupons d’alimentation, penser au meilleur moment pour les échanger contre de la nourriture facile à transporter, afin d’éviter les maraudeurs, que personne ne contrôle.
Et descendre enfin les escaliers lentement, à pas choisis, pour cueillir au bon moment un hypothétique courrier, choisir son heure pour éviter les jeunes de la cité qui, ne sortant plus guère, passent le temps dans les halls et les sous-sols des immeubles. Et surtout, surtout, ne pas penser au monde d’avant…
Il y a une semaine déjà que les coupons d’alimentation ne lui parvenaient plus. Heureusement que vivant chichement, il en avait économisé une demi-douzaine, qu’il avait soigneusement placés dans une vieille boite en fer. Au cas où. Vendredi dernier au centre d’alimentation, au guichet n° 16, la jeune réceptionniste avait pris un air gêné en constatant qu’aucun carnet n’était à la disposition de l’individu n° 7654. Elle lui avait souri aimablement, débitant un flot de paroles convenues sur les difficultés d’acheminement du courrier, une erreur de l’administration sans doute, il n’y a pas à s’inquiéter. Mais ses yeux tenait un tout autre discours.
Il était rentré chez lui, ce vendredi là et avait attendu. Alors lorsqu’il prend entre ses mains la longue enveloppe blanche frappée du sceau du ministère de l’équilibre social, il ne ressent aucune crainte. Il sait, sans l’ouvrir, ce qu’elle contient. Un jeune l’observe de l’autre côté du hall. Lui aussi a reconnu l’expéditeur du message. Impossible de confondre. Personne n’envoie plus de courrier au vieux du second. Il le sait bien, pour crocheter souvent la faible serrure de sa boite. Tout en regardant longuement la lettre, le vieux lui jette un regard inexpressif. Il fait demi-tour pour rejoindre les autres dans les sous-sols, tout en calculant ses chances de récupérer son appartement. Après tout, il est jeune lui.
Ils seront là dans la matinée. Il ne faut pas les faire attendre. Il revient à pas lent jusqu’à son appartement. Non pas que le poids de la nouvelle l’accable vraiment, mais c’est que l’habitude est difficile à rompre même lorsqu’elle ne sert plus à rien. La lettre lui donne l’ordre de ne rien emporter. Cette injonction lui arrache un maigre sourire. Qu’avait à donner ce monde qui mériterait d’être conservé ? Il ne possède vraiment que ses souvenirs, des lettres reçues il y a bien longtemps et des photos jaunies dans une vieille boite en fer. Les souvenirs sont une machine à remonter le temps, une mécanique infernale qui brûle les bonheurs perdus à l’alcool amer des jours blêmes, et ne laisse finalement remonter à la surface putride du jour que les douleurs anciennes que rien désormais ne peut plus guérir.
Non, il n’a vraiment rien à emporter.

:bravo: :bravo: :bravo: c'est beaucoup mieux ;bien plus fluide et bien plus agréable à lire!Bravo et merci de ta compréhansion à accepter les critiques!! :ap1: :ap1: :ap1:

tolosa a écrit:

PS Il y a bug sur ce site, il me fait sauter un mot (conjugaison de surprendre) de la première phrase et je ne peux rien faire !!!!

problème réglé

Merci, ce texte est poignant : plus de révolte chez cet homme, plus aucune envie de se battre, plus aucun espoir...simplement bouger pour se donner l'illusion qu'on vit encore un peu....