| | Philippe Djian,extraits | |
| | Auteur | Message |
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Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 20:44 | |
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- Ecoute-moi, j'ai ajouté, ça m'a jamais rien rapporté d'aller baiser à droite et à gauche, non jamais rien. Je sais bien que tout le monde fait ça mais c'est jamais marrant de faire comme tout le monde. Enfin moi, ça m'emmerde. Et puis ça fait du bien de vivre un peu en accord avec ses idées, de pas se trahir, de pas flancher au dernier moment sous prétexte que la fille a un beau cul ou qu'on te propose un chèque délirant ou que la voie la plus facile se trouve à portée de la main. Ça fait du bien de pas céder, c'est bon pour le moral. Je me suis tourné vers elle pour lui balancer le Grand Secret : - A la Dispersion, je choisis la Concentration, j'ai déclaré. J'ai qu'une vie et tout ce qui m'intéresse, c'est de la faire briller.
Une poupée docile et silencieuse. Ils lui avaient enfourné des médicaments jusqu'au ras de la gueule, ils avaient déjà commencé à jeter les premières pelles de terre. Pour bien faire, il aurait fallu que je me pointe par-derrière et que je leur tranche la gorge, à tous autant qu'ils étaient, les médecins, les infirmiers, les pharmaciens et toute la clique. Sans oublier tous ceux qui l'avaient amenée jusque-là, ceux qui font trimer les gens, ceux qui vous maintiennent la tête par terre, ceux qui vous blessent, ceux qui vous mentent, ceux qui veulent se servir de vous, ceux qui s'en branlent complètement que vous soyez du genre unique, ceux que la connerie fait briller comme des lampions, ceux que la saloperie étouffe, ceux qu'on se traîne comme un boulet. J'aurais pas été au bout de mes peines. On aurait vite pataugé dans des rivières de sang et au bout du compte, j'aurais pas été plus avancé. Que je le veuille ou non, comme on dit, le mal était fait et bien que je sois pas un type désespéré pour deux sous, je comprenais que le monde puisse apparaître comme une merde épouvantable. Ca dépend comment on le regarde. Et que je sois pendu si je suis pas désolé de le dire, mais de cette chambre, de ce petit bout de lit où j'avais posé une fesse et pendant la plus longue minute de ma vie, j'ai jamais vu quelque chose d'aussi noir et d'aussi puant. Là-dessus, l'orage a éclaté.
Elle pouvait bien m'envoyer tous les mots qu'elle voulait à la tête après tout, ça me dérangeait pas beaucoup. Je trouvais que c'était pas trop cher payé pour tout ce qu'elle me donnait d'autre part.
Ouais, bien sûr, il faudrait qu’elle comprenne que le bonheur existe pas, que le Paradis existe pas, qu’il y a rien à gagner ou à perdre et qu’on peut rien changer pour l’essentiel. Et si tu crois que le désespoir est tout ce qu’il te reste après ça, ben tu te goures une fois de plus, parce que le désespoir aussi est une illusion.
Dernière édition par le Mar 22 Mar 2005, 20:52, édité 1 fois | |
| | | Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 20:49 | |
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Cette fille, quand elle sourit, vous avez l'impression que ses yeux changent de couleur et j'aime ce genre de gadget malgré que ça fasse de moi une proie facile, disons que je porte ma croix.
Elle me regardait avec une étincelle étrange dans les yeux, peut-être que cette lumière venait avec l'âge, quand on commence à en avoir vu pas mal, que l'œil s'est endurci et qu'il y a toute cette vie derrière, tout ce paquet d'années comme un mur où on peut s'appuyer.
J'écoutais de la musique en fumant des cigarettes, le corps tassé en mille morceaux et douloureux, j'ai aucune notion du temps la nuit, j'aime réfléchir lentement, je crois que l'extase m'arrivera dans un moment comme ça, enfin j'imagine, je tomberai à genoux dans la fumée des cigarettes et je sourirai jusqu'à ce que le jour se lève avec le cerveau en bouillie, mais je me demande si je fais tout ce qu'il faut pour en arriver là, je me demande si la Grâce va m'accorder les circonstances atténuantes.
La vie est pleine d'images effrayantes, c'est pas toujours facile, le soir, d'entrer dans une chambre et de s'asseoir au bord du lit pour défaire tranquillement ses lacets et ensuite se glisser dans les draps et regarder le plafond d'un cœur léger.
J'avais envie de voir des gens bouger autour de moi et avec un peu de chance je pourrais me détendre un peu en échangeant quelques mots sans importance avec une personne, c'est vrai que par moments c'est les autres qui vous empêchent de glisser jusqu'au fond.
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| | | Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 20:55 | |
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Ces brusques accès d'euphorie m'étaient un mystère impénétrable. Ce sentiment de joie profonde qui m'habitait tout à coup et que rien ne pouvait entamer, je ne savais pas à quoi ça tenait. Il m'était arrivé de recevoir de tels trucs sur la tête qu'alors je me disais c'est fini, cette fois c'est bien fini, plus jamais tu ne pourras ressentir une chose pareille. Eh bien, je me trompais.
Mais plus les jours passaient, plus ces instants devenaient rares, aussi les distillais-je d'un sourire béat avec d'infinies précautions pour m'en imprégner de la moindre goutte.
Il fallait que de telles choses vous arrivent pour vous faire prendre conscience de ce miracle absolu : avoir un corps en parfait état de marche, ne pas souffrir, pouvoir marcher et sauter et danser, être capable de grimper dans un arbre, de rattacher ses lacets, de brailler de plaisir en dévalant une colline.
Il y avait longtemps que j'avais perdu toutes mes illusions sur le monde en général. Je savais ce qui arrivait aux plus faibles d'entre nous, à tous ceux qui n'allaient pas assez vite. Je n'avais pas besoin d'aller voir ça d'un peu plus près.
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| | | Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 20:58 | |
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Pour moi, Edith faisait partie de cette poignée d'écrivains qui me donnaient envie d'acheter un livre et me procuraient une vive émotion quand je l'ouvrais, simplement en regardant leur nom. J'espérais qu'ils allaient vivre encore longtemps et que d'autres allaient apparaître. Et que Dieu les préserve de vouloir être reconnus et de sacrifier leur talent à la norme.
Je saisissais pourtant la stupidité de mon malheur, je haïssais la manière dont mes pensées déviaient et me conduisaient vers elle comme un enfant qu’on tire par la main.
Ou bien quelque hasard nous séparait un instant et je l’observais, elle était une suffocante apparition, j’en étais ébloui, elle représentait tant de choses pour moi que mon esprit n’appréhendait ce prodige qu’avec difficulté.
La route n’est pas si longue, mais elle ne finit jamais. Eviter un obstacle, c’est aller au-devant d’un autre. Il n’y a rien de solide sous nos pas.
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| | | Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 21:01 | |
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Il suffit qu’elle s’appuie sur un mur pour que le toit s’effondre. Dès qu’elle se met en tête de bâtir quoi que ce soit, elle le brise entre ses mains.
Il commençait à ne plus considérer la vie comme une lente ascension mais comme un parcours brisé. D’ailleurs, ce n’était pas dans les jambes que ça se passait, mais dans la nuque, à force de relever puis de baisser la tête.
Tout le long du chemin, il avait réécouté sa voix, les deux ou trois mots qu’elle avait prononcés sans qu’il put y déceler quoi que ce soit dans un sens ou dans l’autre, sans qu’il sut s’il marchait vers l’abattoir ou s’il grimpait vers les cimes.
De toute façon, il ne comprenait pas qu’on puisse s’emmerder à ce point-là avec une fille alors qu’elles étaient des armées entières à parcourir le monde, avec ou sans pilule, et toutes plus belles les unes que les autres, toutes pleines de fureur, de bruit et d’aventures, et pas du genre casse-pieds, pas du genre à vous faire perdre votre temps.
Elle m’apportait tout ce qu’il me fallait en attendant que l’heure de mon châtiment ne sonne, elle était un peu ma mère, un peu mon amie, et les derniers et fugitifs reflets de la beauté du monde.
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| | | Erinn
Nombre de messages : 21557 Age : 50 Localisation : dans ma bulle Humeur : tendance in love Date d'inscription : 14/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Mar 22 Mar 2005, 21:07 | |
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| | | Freaks Out
Nombre de messages : 2517 Date d'inscription : 15/03/2005
| Sujet: Re: Philippe Djian,extraits Jeu 24 Mar 2005, 22:18 | |
| P.DJIAN - S.EICHER
TRACES
Je les entends parler S'éloigner dans la rue Puis tout à coup cesser Disparaître de ma vue Les liens se sont usés Le temps nous a vaincus Plus rien à partager Que sont amis devenus ? Comme des pierres Comme la glace Comme des sourds aux fenêtres d'en face Sans colère Sans grimaces Sans retour et sans perdre la face Chacun de nous le sait Chacun en est conscient Mais le vide nous effraie Et le reste est décevant La nuit nous a distraits Quelques verrez nous aidant Lucidité jamais Ne vous fait le coeur content Si l'on n'meurt pas d'un coup C'est par petits morceaux La toiture qui se troue Puis la cave qui prend l'eau Nous nous aimions beaucoup Ne nous blessons pas trop Amis je pense à vous Et murmure dans votre dos Comme des pierres Comme la glace Comme des sourds aux fenêtres d'en face Sans colère Sans grimaces Sans retour et sans perdre la trace
OH IRONIE
On sait quand ça commence Pas quand ça finira On sait qu'on a la chance Terrible d'être là Malgré ce que l'on pense De tout ce que l'on voit Même si donner un sens A tout ne se peut pas
Oh iro, oh iro Oh ironie de nos danses Oh iro, oh iro Oh ironie de nos choix
On apprend la souffrance On livre des combats Qui sont perdus d'avance Et qui n'apportent pas D'issue, de délivrance On fait n'importe quoi On a peur du silence On hurle dans les bois
Oh iro, oh iro Oh ironie de nos danses Oh iro, oh iro Oh ironie de nos choix
Et vient la récompense Quand on ne l'attend pas Comme vient la pénitence Quand on tendait les bras On croit que l'on avance En reculant d'un pas On donne de l'importance A ce qui n'en a pas
Butins et indulgences Qu'on porte à bout de bras énergie qu'on dépense Que rien ne nous rendra Oh stupide innocence Oh fol ... et cætera Cependant que s'avance Le jour ... et cætera
MON AMI (GUARDA E PASSA
Tu vois comme l’on s’amuse, mon ami Comme la vie nous rend froid Et comme l’amitié s’use, mon ami Dos à dos nous renvoie
Tu vois comme l’on abuse, mon ami De mots, de palabras C’est notre seule excuse, mon ami Notre seul coup de grâce
C’est une douleur diffuse Elle ne nous tuera pas Et si tu la refuses Non ci badar, guarda e passa
Qui crois-tu qui t’accuse, mon ami Que ferais-tu à ma place Va retrouver ta muse, mon ami Et que grand bien te fasse
Je te trouve plein de ruses, mon ami Je te vois dans la glace Mais l’image est confuse, mon ami Et ton sourire s’efface
C’est une douleur diffuse Elle ne nous tuera pas Et si tu la refuses Non ci badar, guarda e passa
LA VOISINE
Le robinet de ma voisine Coule à nouveau de bon matin Elle tourne en rond dans sa cuisine Je l’entends pleurer dans son coin Autrefois je l’entendais rire A minuit, en prenant son bain C’était pour moi un vrai plaisir Mais ce temps-là est déjà loin
J’aimerais beaucoup pouvoir lui dire Que son retour me fait du bien Mais j’ai peur de ne pas choisir Le moment le plus opportun Car je pense qu’elle a dû subir Des choses qui ne font pas du bien Et je ne voudrais pas qu’empire A cause de moi ce grand chagrin
Je parie qu’elle va s’en sortir A tout hasard je croise les doigts Parfois le sort peut vous sourire Sans raison, sans qu’on sache pourquoi Je crois que nous pouvons tenir Si son cœur ne nous trahit pas Si le mouchoir qu’ elle utilise Comme un barrage ne se rompt pas | |
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